A l’époque un certain nombre de constats émergent :
- mêler des acteurs divers booste la créativité et l’innovation
- les enjeux sociaux et environnementaux ne peuvent pas être adressés sans embarquer la société civile
- les industriels sont de plus en plus ouverts à la recherche de solutions en dehors de leurs murs
- les chercheurs souhaitent s’engager pour les solutions pour la transition mais ont du mal à trouver les bons partenaires
Tous les ingrédients sont là pour créer des consortiums multi-acteurs au service de la transition !
Mais si c’était si facile, tout le monde l’aurait déjà fait. D’ailleurs il y a un grand nombre de tentatives. Incubateurs, écoles, open labs, chacun y va de son programme ou son idée.
Dans les faits, les résultats sont peu probants. Denis Guyonnet, Scientific & Innovation Director chez Diana, en fait le constat: “L’open innovation est un terme très galvaudé. Auprès des incubateurs, tu n’as que les start-ups; auprès des universités, que les académiques. Les initiatives sont bi-latérales. C’est très rare de pouvoir échanger avec tous les acteurs pertinents. Avec le TFO, nous sommes vraiment sur de l’innovation ouverte, ça devient très concret. On peut réunir un ensemble d’acteurs très variés sur l’ensemble de la chaîne de valeur. La plus-value est là.”
Alors comment avons-nous fait ?
Chez SoScience, je vis en 2015 une expérience qui me donne des indices sur le problème. Je suis aux Pays-Bas, invitée à une conférence sur l’innovation responsable. J’y vois une présentation de l’agence nationale qui finance la recherche et l’innovation. Cette dernière relate une tentative de recherche partenariale avec les acteurs de la société civile, qui a échoué. Elle souhaitait réunir acteurs industriels, chercheurs, organismes de la société civile et citoyens autour de la même table pour parler de la transition énergétique. Le sujet avait d’abord été défini avec les sachants : chercheurs et industriels. L’invitation envoyée aux acteurs de la société civile était déjà bien cadrée. Le sujet a été travaillé en amont et les grandes directions technologiques choisies. Il était donc proposé aux citoyens de venir apporter de l’eau au moulin et enrichir la démarche. Or aucune organisation de la société civile n’accepte l’invitation. Personne ne se déplace. L’agence est désemparée et à deux doigts de conclure que les citoyens
- ne sont pas intéressés par le sujet, ou
- sont par nature réticents à travailler avec le secteur privé
Pour moi, le problème est ailleurs. J’ai largement échangé avec des associations et entrepreneurs sociaux. J’ai remarqué que ces acteurs ne veulent pas “passer après” ou “servir de caution” sans être à aucun moment mis au cœur du processus de recherche et d’innovation.
Quand nous décidons de lancer notre propre programme, nous sommes particulièrement attentifs à :
- attirer des acteurs divers, et pour cela parler à tous. Nous abordons toujours la démarche par la problématique sociale ou environnementale, jamais par un choix technologique qui aurait déjà été fait
- mettre tout le monde au même niveau. Chacun peut apporter sa pièce à l’édifice, il n’y a pas une brique plus importante qu’une autre pour faire une maison qui tient debout. Dans nos programmes, toutes les typologies d’acteurs sont intégrées au processus sur un pied d’égalité.
Nous sommes en 2016, nous lançons notre premier TFO.
Le thème : l’alimentation, et en particulier les nouvelles sources de protéines. Nous arrivons à mobiliser largement. Notre discours, humble et accessible, fait mouche. Nous avons dans nos participants Mark Post, chercheur académique, le ponte de la viande artificielle. Mais également, Algama, start-up montante, devenue aujourd’hui incontournable sur le sujets des algues, ou encore EntoMove, projet citoyen autour de la consommation d’insectes. L’appétence des gens à se rencontrer est immense. Les participants sont ravis. Ils veulent continuer les discussions. Côté SoScience, nous nous étions concentrés sur la mise en relation d’acteurs qui n’ont pas d’occasion de se rencontrer, d’échanger librement. Nous n’avions pas pensé à l’après. En catastrophe nous créons un groupe LinkedIn pour faire vivre les conversations. Mais sans ressource humaine dédiée, l’expérience ne fait pas long feu. Sans perspectives données, ces formats resteront ce qu’ils sont : de belles rencontres.
Nous avons fait une petite prouesse en réunissant ces acteurs à partir de rien, mais nous ne sommes pas satisfaits.
On remet l’ouvrage sur le métier.