Tout concourait à placer cette journée sous le signe de l’innovation, y compris le lieu, le “Campus de l’innovation pour la planète”. Un lieu emblématique, inauguré en juin 2016, par l’IRD, qui affiche clairement son ambition de développer des coopérations entre chercheurs, ONG et entreprises afin de “créer les conditions d’une innovation responsable au service du développement”. Un ensemble cohérent pour des sciences ouvertes sur le monde.
On est en droit de se demander si une approche systémique ne serait pas l’idéal pour aborder une notion aussi vaste et complexe que le sol. En effet, le sol se définit différemment selon l’approche disciplinaire choisie, mais chaque discipline apporte une composante essentielle à la compréhension globale et la résolution des enjeux. Les liens existants entre chaque discipline ainsi que les interactions entre chaque facteur sont nombreux (facteur sociologie, économique, pratiques agricoles, géologie, territoire, etc.).
Le sol est au carrefour de disciplines telles que l’agronomie – sans doute la plus évidente, puisqu’elle concerne directement les activités agricoles – , la microbiologie ou encore la pédologie et l’hydrologie pour ne citer qu’elles. Cependant le sol touche tout autant, les aspects sociaux, économiques et culturels d’un territoire. Le sol ne peut donc se limiter à l’analyse de ses fonctions naturelles, il s’intègre dans un ensemble beaucoup plus vaste et déterminant pour l’humanité. Quant à Alain Brauman [4], il plaidait, lui, pour une approche holistique, lors de la présentation de ses travaux, pour déterminer la qualité d’un sol. Une approche multifonctionnelle et non-linéaire des sols qui tranche avec le cloisonnement habituel.
Le sol, c’est également le paysage, l’habitat, mais surtout le socle de notre alimentation. Le sol nous est si familier, qu’on oublie parfois sa fonction nourricière. 95% de nos aliments proviennent directement ou indirectement du sol [5]. On comprend aisément, qu’un sol anémié, qui ne produit plus d’aliments d’une qualité nutritionnelle suffisante, entraîne une malnutrition – cette forme courante de malnutrition communément appelée “la faim invisible” touchant déjà plus de 2 milliards de personnes dans le monde [6].
Aucune thématique n’a été occultée au cours de cette journée : désertification, pollution des sols, rôle essentiel du sol dans le changement climatique – y compris le problème de l’accaparement des terres agricoles. Un sujet transversal, abordé lors de l’Open Forum avec notamment Christian Valentin [7] et Anne-Laure Sablé (ccfd-terre solidaire) [8]. Le sol est donc aussi un objet de convoitise et de conflits multiples, qui révèle des inégalités flagrantes en matière de propriété foncière. Pour préserver ce bien commun, peut-être pourrions-nous nous inspirer de la Bolivie et de l’Équateur, qui ont tous deux inscrit la Terre Mère, “Pacha Mama” [9] dans leur constitution et ainsi doté la nature de droits. En dehors de la dimension sociale, économique et culturelle, le sol revêt également une dimension spirituelle.
Le sol ne peut être enfermé dans une définition unique et nécessairement réductrice, le sol est un écosystème complexe, porteur d’enjeux environnementaux, sociaux et économiques.