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Biodiversité : Entre enjeu de protection et source d'opportunités pour les entreprises

Biodiversité : Entre enjeu de protection et source d'opportunités pour les entreprises

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Retour sur le 3e événement thématique organisé par SoScience le 19 mars 2019 sur le thème de la biodiversité !

« Sur les 30 dernières années, 30% des effectifs des populations d’oiseaux ont disparu. 1% par an, cette vitesse de disparation est inédite dans l’histoire !” Luc Abbadie, professeur d’écologie à Sorbonne Université et président du Conseil Scientifique du Musée Nationale d’Histoire Naturelle (MNHN) dresse le constat alarmant sur l’effondrement de la biodiversité. 

Les principales causes de la perte de biodiversité sont l’artificialisation des terres et le développement de l’agriculture. Les enjeux liés à la biodiversité sont étroitement liés à ceux de la sécurité alimentaire explique-t-il.

« Cette fameuse crise de la biodiversité, on a beaucoup de mal à la médiatiser. Tout le monde aujourd’hui est convaincu que la question du climat est sérieuse. La crise de la biodiversité est de la même intensité mais bien moins connue. » 

Force est de constater en effet que le sujet n’est pas encore suffisamment pris au sérieux par les acteurs du monde économique : pour plus de 1300 CEO du monde entier, la biodiversité ne fait toujours par partie du top 10 des menaces pour la croissance de leur entreprise en 2019 (sondage annuel PwC). Pourtant, la perte de biodiversité n’est pas qu’une externalité négative qu’il s’agit de gérer à la marge en réduisant ou en compensant son impact négatif mais bien une menace directe de la prospérité économique. La prise de conscience est urgente.

Car il serait illusoire de penser qu’il est possible de traiter les conséquences de perte de biodiversité, à renfort de solutions techniques plutôt que d’agir sur les causes du problème. En 2018, soucieux de réduire les risques sur ses chaînes d’approvisionnement face à la disparition des insectes pollinisateurs, le géant américain Walmart a déposé un brevet pour des abeilles robotisées autonomes, appelées drones de pollinisation, qui pourraient polliniser les cultures, comme de vraies abeilles. Un leurre selon Luc Abbadie, professeur d’écologie à Sorbonne Université, pour qui ces « drones ne pourront jamais remplacer le rôle que joue les abeilles dans des systèmes complexes ». 

Alors comment faire ? Comment la science et l’innovation peuvent-elle agir ? 

La recherche scientifique permet de caractériser et de cataloguer le vivant, mais aussi d’assurer le suivi de son évolution dans le contexte actuel d’effondrement de la biodiversité, afin de développer et d’implémenter des solutions adaptées pour renverser la tendance.

Les entreprises ont tout intérêt à s’investir et à renforcer leur capacité de recherche au profit de l’évaluation, du suivi et de la conservation de la biodiversité puisque que leur activité économique dépend de celle-ci.

Le premier rôle du scientifique est d'observer et d'analyser la complexité du monde qui nous entoure. Il est essentiel de raisonner en terme de système pour traiter la question de la biodiversité

L'écologie scientifique française a la plus forte expertise dans le monde. Pourtant son potentiel d'innovation est sous-exploité, il y a un vide entre la création de connaissances et l'application dans le monde de l'entreprise

Il est en effet fondamental “que chaque entreprise intègre la biodiversité dans sa réflexion, engage des actions de régénération, face au risque d’instabilité des services écosystémiques souligne Antoine Cadi, Directeur recherche & innovation CDC lors de la table-ronde de la soirée. 38 % de la biodiversité des terres émergées est aujourd’hui détruite alors que le seuil acceptable était fixé à 25% alerte Antoine Cadi.  Il faut agir, et les entreprises ont un rôle majeur à jouer. Le hic, c’est qu’il n’y a pas vraiment d’indicateurs clairs et simples d’utilisation sur la biodiversité, ce qui rend l’argumentaire parfois difficile à entendre en entreprise. Nous ne savons en effet pas encore parfaitement décrire les conséquences en chaîne d’écosystèmes complexes. 

Comment traduire son engagement en faveur de la biodiversité en stratégie opérationnelle ?

  • la prise en compte du “risque biodiversité” : les agences de notation prennent de plus en plus en compte le “risque carbone”. Bientôt, on peut imaginer qu’elles prendront également en considération le “risque biodiversité”, qui impacte nombre d’acteurs dans leur approvisionnement. Actuellement, en moyenne, pour 1000€ de chiffre d’affaires produit, on perd 2 mètres carrés de nature brute. 
  • Construire un récit qui fasse bouger l’entreprise : il faut construire un propos, un récit et des solutions qui parlent au monde de l’économie. Car les lois seules ne semblent pas suffire. Celles qui obligent par exemple à une forme de compensation ne sont respectées que dans 20% des cas. Une bonne nouvelle est le “plan biodiversité” formalisant 90 mesures ambitieuses, publié par le gouvernement et accessible en ligne, et qui permet aux entreprises qui le souhaitent d’élaborer leur stratégie sur ce sujet.
  • Biodiversité : contraintes ou opportunités ? Pour séduire les décideurs de l’entreprise, il est nécessaire de parler leur langage, et de montrer que la biodiversité n’est pas seulement une contrainte mais peut aussi être source d’opportunités pour le business. C’est déjà le cas sur le bio, le zéro déchet… Il y a une vraie demande en constante évolution des consommateurs et des jeunes générations.
  • Imaginer et pousser un système de comptabilité qui prenne en compte la valeur écologique et la biodiversité, et de façon générale les services rendus par la nature

 

Novéal (ex Chimex) filiale de L’Oréal mise sur les biotechnologies pour préserver la biodiversité. Comment ? En développant la culture cellulaire végétale in vitro, c’est-à-dire en produisant des molécules d’intérêts issues du végétal sans piller la biodiversité grâce aux biotechnologies.

Adopter une approche win-win avec la nature pour ne pas exploiter la biodiversité mais au contraire participer à sa régénération

Découvrez également comment les entrepreneurs sociaux agissent en faveur de la biodiversité grâce à la recherche et l’innovation !

collaborer avec les abeilles : beeodiversity

BeeOdiversity accompagne les entreprises et les collectivités publiques à réduire la pollution et à régénérer la biodiversité dans leur environnement, en collaboration avec les abeilles qui agissent comme des bio-indicateurs.

Avec son projet pilote en Belgique, Kim Nguyen a pu réduire la mortalité des abeilles de 10% mais le gouvernement ne voulait pas financer sa structure. En 2012, il crée BeeOdiversity autour du concept de durabilité : comment créer de la valeur économique en préservant la biodiversité ?

Grâce à ses colonies recensant chacune environ 50 000 abeilles qui rapportent 4 milliards d’échantillons, BeeOdiversity peut faire un état des lieux de l’environnement sur une zone donnée en fonction de ce que les abeilles rapportent et proposer un accompagnement sur le long-terme tout en montrant quelle est la plus-value personnelle de l’entreprise sur son territoire.

Quelles sont les motivations et les freins des organisations présentes à travailler avec la biodiversité ?

  • l’activité des parfumeurs reposent en grande partie sur la pollinisation pour avoir accès aux matières premières 
  • les grands groupes peuvent avoir une multitude de sites de production à travers le monde avec un impact spécifique sur la biodiversité : comment prioriser ?  BeeOdiversity et son outil d’inventaire de la biodiversité végétale liée aux pollinisateurs peut permettre un premier diagnostic avant d’engager les actions !
  • Comment embarquer tous les acteurs d’une zone géographique qui n’ont pas les mêmes intérêts ? Réponse : la collaboration ! BeeOdiversity agit comme un fédérateur entre les différentes parties prenantes et un tiers de confiance. BeeOdiversity identifie les sources de risques et va travailler en local avec les acteurs concernés pour leur apporter alternatives et solutions qui soient viables pour eux. L’approche scientifique avec des indicateurs chiffrés incitent à la collaboration car c’est toujours une situation gagnant-gagnant (les chiffres d’impact sont primordiaux et le prouvent). Une autre posture important : on ne pratique pas le « blaming » mais la recommandation et l’accompagnement concret, parfois même avec des ONG locales.

préserver les mangroves : kinomé

Kinomé développe des solutions innovantes, rentables et éthiques de restauration, de protection et de revalorisation des forêts, en reconsidérant les arbres et la biodiversité comme une solution de développement humain et économique, tant pour les populations locales que pour les entreprises.

La mangrove est l’un des écosystèmes les plus riches et les plus interconnectés de la nature, représentant un réservoir immense en matière de biodiversité. Kinomé a été fondé en 2005 dans le but d’assurer la  protection et la sauvegarde de cet écosystème en Afrique. Kinome s’inscrit dans une approche multiacteurs en collaborant avec des ONG, des universitaires, des institutions comme l’UE ainsi que des entreprises locales et internationales pour réaliser des projets à impact en Afrique de l’Ouest. L’association est membre du collectif 5Deltas, un réseau de 14 ONG locales et internationales engagées dans la protection de cet écosystème. Aujourd’hui Kinomé cherche à impliquer des entreprises dans la valorisation des mangroves et s’interroge sur la meilleure stratégie pour cela.

Voici les pistes explorées par les participants : 

  • Sensibilisation à l’importance de la mangrove et ses nombreux services écosystémiques : la mangrove est un écosystème qui reste méconnu de nombreuses personnes. Elle est pourtant centrale  dans la lutte contre le changement climatique en séquestrant du carbone et en fournissant un refuge pour des faunes et flores foisonnantes. La mangrove est également une source importante de revenus pour les populations locales. 

Il faut sortir de la vision de la forêt non productive! Passer d'une vision en silo à une approche globale en considérant la forêt comme une solution intégrée au bénéfice des activités humaines

  • Identification des facteurs d’impact pour justifier des investissements d’entreprises. Kinomé est déjà coordinateur d’un réseau unique d’acteurs de terrain et d’institutions internationales, avec un accès à de nombreux travaux d’évaluations mettant en lumière les avantages des mangroves. Cette analyse permettrait aux entreprises de mieux appréhender leur intérêt à investir dans la protection de cet écosystème, spécifiquement dans les zones à risque où mangrove et populations locales sont face à un danger imminent. 
  • Travailler sur le storytelling autour de la mangrove pour convaincre : pour convaincre les entreprises, il est nécessaire de créer une belle histoire autour de la mangrove, idéalement en incluant les locaux et les entreprises. Un autre avantage comparatif  de Kinomé est sa capacité à  connecter en bonne intelligence de nombreux acteurs (privés, publics, internationaux, locaux…) autour de cet écosystème à protéger.
  • La biodiversité comme argument pour financer la protection d’un écosystème : le concept de biodiversité est au cœur des enjeux de l’entreprise d’aujourd’hui, la richesse de la mangrove en tant qu’écosystème et les répercussions négatives encourues par sa disparition peuvent motiver les entreprises à agir.  Pour cela, il est important de développer une méthodologie pour justifier de la biodiversité protégée par la mangrove et connecter la mangrove à des projets plus globaux.

Agir sur la biodiversité sur son site, cela apporte de l'humain et du concret au sujet plutôt que de devoir gérer des KPIs très techniques loin de notre quotidien

végétalisation : urbalia

Urbalia accompagne les acteurs de la construction de la ville dans la prise en compte de la biodiversité pour favoriser la durabilité de leurs projets, notamment en utilisant Biodi(V)strict, premier outil de mesure du potentiel biodiversité d’un projet urbain, issu d’un partenariat entre AgroParisTech et VINCI Construction. 

Alors que le sujet de la biodiversité apparaît de plus en plus central, la majorité des entreprises vont rarement au-delà de la mise en place de ruches. Il s’agit donc de déterminer quels sont les freins et surtout les leviers d’action pour aller plus loin. Comment aider les entreprises à avoir un impact positif pour la biodiversité sur leurs sites ?

Les sites sur lesquels les entreprises peuvent avoir un impact plus positif sur la biodiversité sont : 

  • les sites administratifs pour ramener de la nature en ville et engager davantage les collaborateurs sur les sujets environnement
  • les sites de production pour minimiser l’impact de l’entreprise d’un point de vue environnemental et être source de nouveau business.

Les principaux freins identifiés sont : le budget, le manque d’espace et de place, la réglementation, le temps, la sécurité. Les leviers d’actions identifiés sont :

  • Objectiver le bénéfice pour les collaborateurs en mettant en place un outil de suivi de l’impact sur les collaborateurs
  • Proposer une offre commune « climat et biodiversité » : toiture végétalisée + photovoltaïque
  • Insister sur la plus value en terme de bilan énergétique et en termes d’engagement des collaborateurs 
  • Créer du lien entre les collaborateurs : notamment un lien intergénérationnel alors que les enjeux RH entre les millenials et les plus anciennes générations sont importants 

ASSURER LE SUIVI DES ESPèces : spygen

Pionnier dans le domaine des analyses d’ADN environnemental (ADNe), Spygen utilise des technologies basées sur la recherche de traces d’ADN dans l’environnement afin d’améliorer le suivi d’espèces rares ou discrètes et de renforcer les opérations de veille environnementale à l’échelle mondiale.

SPYGEN crée des échantillons qui sont ensuite transmis aux bureaux d’études qui réalisent l’inventaire. Spygen apportent des compétences en génétique, et les bureaux d’études en écologie, analysant et interprétant les séquences d’ADN extraites. Très concrètement, il y a filtrage d’une certaine quantité d’eau dans une capsule équipée d’une membrane, d’où est extrait l’ADN, puis utilisation d’un fragment d’ADN qui vient se positionner sur une région d’ADN commune à un type d’espèce (ex : les poissons), et enfin la lecture de séquences d’ADN pour faire une comparaison à une base de données d’espèces développée localement. 

SPYGEN a créé un partenariat avec l’Agence Française de la Biodiversité depuis 2014 avec qui les bases de références ont été créées, ils souhaitent maintenant mettre en place cette méthode d’évaluation au niveau national compte tenu que leur capacité de détection des amphibiens est de 97% versus 50-60% pour les méthodes classiques. 

Ils ont besoin d’une base de référence énorme si ce processus est mis en place à grande échelle, qui pourrait prendre la forme d’un observatoire de la biodiversité.

Comment les différents acteurs pourraient s’engager dans une telle initiative ? Quelle gouvernance, partenariats scientifiques, besoin d’informations, financement ? Spygen distingue la partie service, apportée par ses partenaires (bureau d’étude) et l’observatoire qui a plus à vocation à travailler avec les entreprises en partenariat et pas seulement « à leur service ».

Les entreprises sont désireuses de mieux mesurer leur impact sur la biodiversité : ces études pourraient nourrir l’observatoire. Si SPYGEN souhaite absolument dissocier l’observatoire de la partie études aux entreprises, on pourrait imaginer une forme de soutien des entreprises à l’observatoire à une échelle très locale, comme partie prenante d’un écosystème. Une sorte de plan d’action commun, inter entreprises, pour la préservation de la biodiversité !

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